AN INVITATION TO ETERNITY
Hans Vandekerckhove
15/10/2022 - 21/01/2023
Hans Vandekerckhove
Hans Vandekerckhove (°1957) est un peintre belge né à Ingelmunster en Flandre occidentale. Il est le deuxième d’une famille de cinq enfants. Son père est passionné d’architecture, grand amateur de Piet Mondrian et excellent portraitiste. Sa mère aussi, est férue d’art. Très jeune Hans est emmené en excursion dans les musées et il se met lui-même à dessiner, beaucoup. Il vit dans un environnement stimulant et heureux. Son oncle, jardinier passionné et naturaliste, inspirera chez lui une fascination pour les serres et les jardins clos. En 1979 il obtient un diplôme en histoire de l’art de l’université de Gand. Il n’a même jamais songé à faire une carrière dans un domaine non lié à l’art. Peindre sera sa vie, il en éprouve un besoin viscéral. Au début des années 1980, il rencontre sa future épouse Christina, déménage à Bruxelles et fait ses débuts en tant qu’artiste tout en travaillant au développement de la Sint-Lukas Galerie, initiée par l’architecte Alfons Hoppenbrouwers. Trois ans plus tard, il arrête ce travail pour se consacrer pleinement à son art. Il bénéficiera ensuite rapidement d’une reconnaissance tant au niveau belge qu’international.
Depuis le milieu des années 1980 il vit et travaille à Gand mais effectue régulièrement des voyages à travers l’Europe qui sont d’importantes sources d’inspiration, que ce soit pour découvrir les artistes contemporains lors de l’exposition Zeitgeist à Berlin ou l’œuvre de Giotto à Assise ou encore s’imprégner de la nature au cours de randonnées dans les Alpes ou en Écosse. Autodidacte, fort d’une pratique de soixante ans de dessin, gravure mais surtout de peinture, il produit une œuvre qui évolue avec la force de la lenteur et de la cohérence.
J’ai en effet été frappée chez Hans Vandekerckhove par l’impression de totale cohérence qui se dégage entre le personnage et son travail, par l’harmonie qui règne entre le dire, le faire et l’être. Il peint ce qu’il vit et il vit ce qu’il peint. La fantaisie côtoie la sérénité, les voyages et les randonnées nourrissent des moments de réflexion, la nature entre dans la maison et réciproquement. Il est à la ville comme à la scène : la question de savoir s’il faut dissocier l’artiste de l’œuvre est ici superflue. Tout est parfaitement cohérent et d’une intensité remarquable.
Son œuvre
L’œuvre de Hans Vandekerckhove est principalement constituée de tableaux figuratifs exécutés à l’huile. À la fin de ses études, dans les années 1970, c’était l’art conceptuel qui était alors très en vogue. Mais lors d’un voyage à Londres, il découvre David Hockney et décide de rédiger son travail de fin d’études sur cet artiste très contemporain mais figuratif. Il est fasciné par l’artiste et par l’homme, toujours positif et optimiste face à la vie. Dans l’œuvre de Hans Vandekerckhove, on retrouve tout naturellement l’influence de Hockney mais également son intérêt pour Matisse, Gauguin, Bonnard et Balthus.
Ses sujets peuvent être des paysages, des portraits ou des scènes intérieures mais sont toujours directement inspirés par ses expériences personnelles : sa vie quotidienne, ses voyages, les centres d’intérêts spécifiques qu’il a développés au cours du temps. Il ne peint que des personnes qu’il connaît personnellement, généralement des proches. Il se met d’ailleurs aussi souvent lui-même en scène, et réalise de nombreux doubles portraits. Certains thèmes sont récurrents, comme les paysages arborés, les serres, les jardins, l’architecture moderniste, mais aussi celui de la lecture, comme source d’évasion et de plaisir ou d’apprentissage et d’enrichissement personnel. On y trouve aussi toutes sortes de dualités : l’intérieur est représenté avec des fenêtres donnant des vues sur l’extérieur, les paysages comprennent souvent un chemin, un pont réel ou fictif qui relie le proche au lointain, le lumineux émerge dans la nuit. On est plongé dans une scène réaliste mais transformée en une scène magique, enchantée par le prisme du trait de pinceau et de la couleur. Magie, couleurs vives, jeux de lumière, immense poésie, silence et grande douceur peuvent résumer ce que l’on voit.
En effet Hans Vandekerchove veut montrer un monde imaginaire, réinventé et fantasmé qui a surtout pour objectif de proposer d’échapper à la banalité du quotidien et de susciter l’émerveillement. On pourrait s’arrêter à la première impression, très agréable d’ailleurs, d’un monde revisité dont on a extrait toute la beauté. Montrer le beau est un leitmotiv. Mais en se laissant absorber un peu plus longuement on découvre que l’œuvre de Hans Vandekerckhove s’apparente à des contes philosophiques. Il y a en effet chaque fois une abstraction, une idée cachée dans le motif. L’une des plus évidentes à mes yeux est peut-être cette pensée de Cicéron : « Si vous possédez une bibliothèque et un jardin, vous avez tout ce qu’il vous faut ». Au-delà de l’intérêt évident de Vandekerckhove tant pour les jardins que pour les livres, il est ici question du nécessaire équilibre entre les moments d’action et d’expérimentation d’une part et les moments de réflexion et de construction des idées d’autre part. Un aller-retour que Hans Vandekerckhove pratique lui-même. Une autre préoccupation quasi permanente dans l’œuvre de Vandekerckhove est la question de l’interaction entre l’homme et son environnement, naturel ou forgé par lui.
D’un point de vue technique, il s’intéresse depuis toujours aux primitifs flamands et à leur technique de peinture à l’huile, à son alchimie, aux sensations tactiles et olfactives qu’elle procure. Intéressé par la technique de glacis qu’il reproduit à sa manière, il travaille par couches transparentes successives donnant une profondeur caractéristique à la matière. Il travaille tous types de formats, dans des compositions très construites dans lesquelles la géométrie est très présente. C’est un peintre lent qui peut revenir plusieurs fois sur une même œuvre dont l’exécution peut parfois durer plusieurs mois.
An Invitation to Eternity
Pour cette exposition Hans Vandekerckhove se fonde sur deux sources d’inspiration distinctes qui se complètent et donnent une grande force de cohésion à l’ensemble.
D’une part elle puise son sens philosophique dans le titre énigmatique d’une œuvre de Gauguin : D’où venons-nous, qui sommes-nous, où allons-nous ? Ce questionnement, qui sous-tend de façon récurrente les thèmes des œuvres de Hans Vandekerckhove, constitue une invitation délicate et subtile à réfléchir à la relation à soi, à toutes les interactions qui nous façonnent : le passé, notre culture, la nature, le patrimoine. Le fil conducteur unissant les œuvres choisies par l’artiste est constitué par l’intime, la réflexion, le souvenir, les liens qui nous relient à l’environnement et aux autres.
D’autre part Hans Vandekerckhove s’inspire de l’œuvre de Jan van Eyck, pour laquelle il a toujours éprouvé une fascination, non seulement pour la virtuosité technique bien sûr, mais aussi pour l’attention portée aux détails et pour la multitude de symboles, de références et d’allusions cachées qu’on peut retrouver dans les scènes peintes. Van Eyck dissimule tout un autre monde au sein de ses œuvres, des petites histoires parallèles logées dans des détails qu’on ne peut percevoir qu’à travers une lecture attentive. Heureux celui qui les découvre et s’en émerveille ! Les époux Arnolfini constitue un parfait exemple de cette pratique. Cette œuvre a d’ailleurs inspiré les futurs époux Vandekerckhove pour leur invitation de mariage ( Voir Illustration p. ). Plus récemment, Hans Vandekerckhove a découvert au musée de Turin ce petit tableau de Van Eyck ayant autrefois appartenu à Anselme Adornes : Saint François d’Assise recevant les stigmates, et dont une deuxième version, plus petite et conservée au Philadelphia Museum of Art appartenait aussi à Anselme Adornes. Avec un écart de près de six cents ans, Hans Vandekerckhove partage donc avec Anselme Adornes une même admiration pour Jan van Eyck, qu’il fait revivre à sa manière dans ces lieux.
Dans An Invitation to Eternity, Hans Vandekerckhove croise ses deux sources d’inspiration : il réinterprète des détails de tableaux de Van Eyck en prenant pour fil conducteur le questionnement de Gauguin. C’est ainsi qu’il partage avec le visiteur des souvenirs de jeunesse (« D’où venons-nous ? »), des autoportraits (« Qui sommes-nous ? ») ou des doubles portraits avec ses enfants (« Où allons-nous ? »). La lecture et nos diverses interactions avec le monde, thèmes également présents dans les œuvres présentées, apportent des éléments de réponse. Il met en parallèle son expérience personnelle de ces questions existentielles, avec l’histoire des lieux. Le Domaine Adornes en effet, lieu chargé d’histoire, doit relever le défi de conserver une identité actuelle et future et certainement rester en connexion avec le monde qui évolue. Les deux histoires se font écho dans un dialogue subtil et esthétique.
Hans Vandekerckhove nous propose ici de rêver et de réinventer le monde, grâce à une attention accrue et bienveillante pour les détails : les maisons, les amoureux, les objets précieux chargés d’histoire et de magie, les anecdotes, la nature. En faisant cela il nous invite à utiliser notre imagination et notre créativité pour vivre dans l’ici et le maintenant, c’est-à-dire dans l’éternité. En effet « L’éternité, dit André Comte-Sponville, c’est le présent car c’est le seul moment qui existe vraiment puisque le passé n’existe plus et le futur n’existe pas encore ». Comme beaucoup d’entre nous, Hans Vandekerckhove constate la fragilité de la terre qui ne peut plus être considérée comme une source de vie inépuisable et infinie. Qu’avons-nous fait ? Que devons-nous faire ? Que pourrons-nous faire ? Plus que jamais notre rapport au temps est perturbé. Combien de temps ? Nul ne sait mais au propre comme au figuré notre éternité est dans le présent.